Éluard

PAUL ÉLUARD

(París, 1895 – 1952)

 

Textos originales

L’Immaculée Conception: L’amour [De La Inmaculada Concecpción: El amor]

 

L’amour L’amour réciproque, le seul qui saurait nous occuper ici, est celui qui met en jeu l’inhabitude dans la pratique, l’imagination dans le poncif, la foi dans le doute, la perception de l’objet intérieur dans l’objet extérieur. Il implique le baiser, l’étreinte, le problème et l’issue indéfiniment problématique du problème. L’Immaculée Conception L’amour a toujours le temps. Il a devant lui le front d’où semble venir la pensée, les yeux qu’il s’agira tout à l’heure de distraire de leur regard, la gorge dans laquelle se cailleront les sons, il a les seins et le fond de la bouche. Il a devant lui les plis inguinaux, les jambes qui couraient, la vapeur qui descend de leurs voiles, il a le plaisir de la neige qui tombe devant la fenêtre. La langue dessine les lèvres, joint les yeux, dresse les seins, creuse les aisselles, ouvre la fenêtre ; la bouche attire la chair de toutes ses forces, elle sombre dans un baiser errant, elle remplace la bouche qu’elle a prise, c’est le ménage du jour et de la nuit. Les bras et les cuisses de l’homme sont liés aux bras et aux cuisses de la femme, le vent se mêle à la fumée, les mains prennent l’empreinte des désirs. […]

  1. Lorsque la femme est sur le dos et que l’homme est couché sur elle, c’est la cédille.
  2. Lorsque l’homme est sur le dos et que sa maîtresse est couchée sur lui, c’est le c.
  3. Lorsque l’homme et sa maîtresse sont couchés sur le flanc et s’observent, c’est le pare-brise.
  4. Lorsque l’homme et la femme sont couchés sur le flanc, seul le dos de la femme se laissant observer, c’est la Mare-au-Diable.
  5. Lorsque l’homme et sa maîtresse sont couchés sur le flanc, s’observant, et qu’elle enlace de ses jambes les jambes de l’homme, la fenêtre grande ouverte, c’est l’oasis.
  6. Lorsque l’homme et la femme sont couchés sur le dos et qu’une jambe de la femme est en travers du ventre de l’homme, c’est le miroir brisé.
  7. Lorsque l’homme est couché sur sa maîtresse qui l’enlace de ses jambes, c’est la vigne vierge.
  8. Lorsque l’homme et la femme sont sur le dos, la femme sur l’homme et tête-bêche, les jambes de la femme glissées sous les bras de l’homme, c’est le sifflet du train.
  9. Lorsque la femme est assise, les jambes étendues sur l’homme couché lui faisant face, et qu’elle prend appui sur les mains, c’est la lecture.
  10. Lorsque la femme est assise, les genoux pliés, sur l’homme couché, lui faisant face, le buste renversé ou non, c’est l’éventail. […]

La courbe de tes yeux [La curva de tus ojos]

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

 

La Victoire de Guernica [La victoria de Guernica]

I

Beau monde des masures
De la nuit et des champs

 

II

Visages bons au feu visages bons au fond
Aux refus à la nuit aux injures aux coups

 

III

Visages bons à tout
Voici le vide qui vous fixe
Votre mort va servir d’exemple

 

IV

La mort coeur renversé

 

V

Ils vous ont fait payer le pain
Le ciel la terre l’eau le sommeil
Et la misère
De votre vie

 

VI

Ils disaient désirer la bonne intelligence
Ils rationnaient les forts jugeaient les fous
Faisaient l’aumône partageaient un sou en deux
Ils saluaient les cadavres
Ils s’accablaient de politesses

 

VII

Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de notre monde

 

VIII

Les femmes les enfants ont le même trésor
De feuilles vertes de printemps et de lait pur
Et de durée
Dans leurs yeux purs

 

IX

Les femmes les enfants ont le même trésor
Dans les yeux
Les hommes le défendent comme ils peuvent

 

X

Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges
Dans les yeux
Chacun montre son sang

 

XI

La peur et le courage de vivre et de mourir
La mort si difficile et si facile

 

XII

Hommes pour qui ce trésor fut chanté
Hommes pour qui ce trésor fut gâché

 

XIII

Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l’espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l’avenir

 

XIV

Parias la mort la terre et la hideur
De nos ennemis ont la couleur
Monotone de notre nuit
Nous en aurons raison

Sugerencias

En este enlace se puede escuchar el recitado del poema de Éluard «A Pablo Picasso» y aparecen testimonios gráficos de su larga amistad.

https://www.youtube.com/watch?v=IJlxNalyJMA

 

En este enlace se puede leer el artículo de Iratxe Retolaza «Rememorando el bombardeo de Gernika: lecturas, representaciones y miradas literarias». En el se encontrará entre otros textos literarios el poema de Asier Serrano «Zaldiaren   adoratzaileak»   [Los  adoradores   del   caballo]:

http://www.euskaltzaindia.eus/dok/plazaberri/2009/uztaila/retolazairatxe.pdf

 

En La arboleda perdida (vol. II) Rafael Alberti habla de su amistad con Éluard. En esas memorias encontraremos el fervor que unió a estos y otros poetas en su afán por poner su imaginación al servicio de sus ideales políticos.